B. QUEL AVENIR ? QUELLES SOLUTIONS ?

En définitive, le cadre juridique actuel de la franchise laisse beaucoup à désirer et devrait faire l’objet d’une refonte complète et plus réfléchie. À cet effet, nous aurions aimé voir la Tunisie se doter d’un  vrai cadre juridique sur la franchise comme la loi américaine ou même les lois de certaines provinces canadiennes.

A ce titre nous nous proposons d’avancer les recommandations suivantes pour palier aux lacunes existantes créant ainsi un effet néfaste de ralentissement à l’évolution et au développement de la franchise en Tunisie. Deux paliers principaux retiendront notre attention :

  1. Au niveau de la loi:

Il serait plus opportun de réserver une loi spécifique à la franchise comme c’est le cas en Amérique du Nord, terre natale de la franchise et des plus grandes marques mondiales, car on ne saurait plaidoyer pour un développement durable et effectif de l’activité du franchisage en Tunisie tant que le cadre légal et réglementaire demeure aussi lacunaire et inadapté aux spécificités du franchisage. A cet effet, Il serait, plus efficace encore de s’inspirer des expériences législatives des pays dans lesquels le franchisage connait un réel épanouissement et notamment du travail d’UNIDROIT en matière de franchise. En effet, il serait  très recommandable et enrichissant pour le législateur Tunisien de s’inspirer de l’énorme travail d’édification d’UNIDROIT en matière de franchise notamment le Guide sur les accords internationaux de franchise principale et la Loi Type sur la divulgation des informations en matière de franchise. De surcroit, citant à titre d’exemple quelques lacunes au titre de cette obligation précontractuelle d’information que le Décret N° 1501-2010 du 21 Juin 2010 portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise ainsi que des données minimales du document d’information l’accompagnant aurait pu éviter en s’inspirant de la Loi-Type d’UNIDROIT. C’est ainsi que cette loi prévoit dans son article 6 les éléments pertinents suivants non retenus par le décret en question et qui sont de nature à permettre un consentement plus éclairé du franchisé :

  • En ce qui a trait à l’enregistrement de la marque :

« Les informations suivantes ayant trait aux droits de propriété intellectuelle du franchiseur dont une licence est octroyée au franchisé, et en particulier, aux marques, brevets, droits d’auteurs, et droits attachés aux logiciels :

iii) la date à laquelle s’éteint l’enregistrement des droits de propriété intellectuelle faisant l’objet de la licence ;

  1. iv) les procédures judiciaires ou toute autre procédure légale engagées le cas échéant qui pourraient avoir des effets significatifs sur l’utilisation, exclusive ou non exclusive, par le franchisé des droits de propriété intellectuelle résultant du contrat de franchise, dans l’Etat où l’activité commerciale franchisée doit être exploitée »
  • En ce qui a trait aux projections financières

« Si une information est délivrée au futur franchisé, par le franchiseur ou en son nom, concernant les résultats financiers passés ou les projections financières d’unités exploitées en propre par le franchiseur, ses affiliés ou ses franchisés, cette information doit :

  • inclure les hypothèses importantes ayant permis sa préparation et fondé sa présentation ;
  • préciser si elle est basée sur des résultats effectifs d’unités d’exploitation existantes ;
  • spécifier si elle est basée sur des unités d’exploitation appartenant au franchiseur et/ou aux franchisés ; et
  • indiquer le pourcentage d’unités d’exploitation dont les résultats correspondent à l’éventail de ceux cités en comparaison ou qui les dépassent.
  • Si l’information financière visée dans le précédent sous-paragraphe est fournie, le franchiseur doit spécifier que les niveaux de performance effectivement atteints par l’unité d’exploitation proposée au futur franchisé, peuvent être différents de ceux qui se trouvent énoncés dans l’information fournie par le franchiseur ;
  • En ce qui a trait à la distinction entre franchise directe et franchise principale :

L’article 6.3 précise que « Si la franchise est une franchise principale, le sous-franchiseur (…) devra informer le candidat sous-franchisé de la situation des contrats de sous-franchise dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat de franchise principale et de son contenu. »

  1. Au niveau de la structure administrative et de contrôle:

La lenteur dans le traitement des dossiers dégagée par la pratique de l’application du cadre juridique actuel pour l’obtention de l’autorisation du ministre de commerce qui peut prendre des fois 2 voir 3 ans, nous amène à réfléchir sur l’intérêt de faire trainer les dossiers entre deux autorités publiques à savoir le ministère de commerce et Conseil de la Concurrence. Dans ce cadre, on se pose la question de savoir pourquoi ne pas se contenter d’une seule autorité tout en renforçant le contrôle à postériori comme c’est le cas en France ?

De fait, nous pensons qu’il serait plus efficace pour tous les intervenants dans le monde du franchisage d’opter pour une analyse des dossiers des marques étrangères par bloc, attribution qui devrait être du seul ressort du Conseil de la Concurrence.

En effet, Il est plus pertinent, de déléguer l’entière procédure d’autorisation au Conseil de la Concurrence pour deux raisons au moins :

  • D’abord, l’esprit même de la loi milite pour dire que la raison pour laquelle l’implantation d’une certaine marque étrangère en Tunisie est subordonnée à une autorisation préalable est intimement liée aux exigences de la législation sur la concurrence, qui est par nature du domaine réservé au Conseil de la Concurrence comme c’est le cas d’ailleurs de l’autorité de la concurrence en France.
  • De même, le Conseil de la Concurrence, est, par sa nature, le gardien de l’équilibre du marché et le protecteur de l’ordre public économique, qui rendrait de ce fait ce genre de décisions plus objectif et dépourvu de tout aspect politique que pourrait représenter le ministre de commerce, ses représentants ou délégués, tout en épargnant du temps et permettant par la même occasion de s’aligner sur les vraies caractéristiques de l’activité économique à savoir la célérité et la mutabilité de mouvement. Par ailleurs, la centralisation du traitement de la demande au sein d’un seul organisme à savoir le Conseil de la Concurrence permettrait une meilleure gestion et un gain de temps précieux. D’ailleurs, la pratique démontre que l’avis du Conseil de la Concurrence est donné dans un délai moyen de deux mois ; c’est juste le manque de coordination et de communication de l’administration tunisienne qui fait que l’autorisation tarde à être délivrée.

Ce disant, nous pensons que l’adoption d’une loi spécifique à la franchise inspirée des meilleurs exemples et pratiques en la matière, conjugué à un rôle plus accru du Conseil de la Concurrence notamment en lui accordant plus d’attribution surtout en matière d’autorisation et de contrôle a posteriori en sa qualité de gardien de l’équilibre du marché donnerait un meilleur climat juridique au développement de la franchise en Tunisie et propulserait, peut-être, l’activité de franchisage en Tunisie vers d’autres cieux plus clément et moins obscurs. Nous l’espérons.